Flower Powder
Par Pierre Hivernat
Vincent Hurpeau est à classer dans le haut du tableau des champions de la zen attitude. Qu’il pleuve ou qu’il vente, il prend la nature au mot. Il faut dire que quand on s’est battu pendant quatre ans pour que le piment d’Espelette soit classé en AOC et autant pour l’AOP,  ça vous rend philosophe sur le temps qu’il fait comme sur celui qui passe.
Le village de la Bastide-Clairence, 700 ans au compteur et 1000 habitants à plein temps est un nid à touristes, et on les comprend. Le village basque comme dans un film. Le jour de notre visite à la boutique de producteurs, c’est Vincent Hurpeau qui est de permanence, droit comme un « I », pas un mot plus haut que l’autre, insensible à la pression de la demande et qui renseigne à tour de bras aux ignares en shorts à fleur les subtilités de l’Ossau-Iraty ou de la confiture de cerises Itxassou.

« J’aime bien faire ces permanences, c’est un moyen très malin de diffuser nos produits. D’une part on met des moyens en commun et c’est moins cher pour chacun des producteurs et comme on travaille par cooptation, on est toujours sûrs de la qualité et du discours que l’on peut tenir pour la vente des produits. »

Disons aussi que ça lui sert plus à lui qu’aux autres puisqu’il pourrait très facilement vendre ses deux vedettes commerciales dans une boutique de un mètre carré. D’un côté le piment d’Espelette en poudre et de l’autre en purée, dans un petit pot de 50 grammes, et voilà à quoi la vie économique de Vincent se résume. Enfin, pas tout à fait.

« Mes parents étaient à bordeaux, pas du tout dans le milieu agricole, moi j’ai fait des études d’horticulture dans le Lot-et-Garonne et puis du commerce. A un moment de ma vie, j’ai eu envie de revenir à la terre, de mettre les mains dedans, et je me suis installé à Espelette en 1999 un peu par hasard. J’ai construit ma première serre pour faire de l’horticulture et vendre les plants sur place. A l’époque j’étais locataire d’un demi hectare et ça a tout de suite bien marché. » Mais attention, le demi-hectare en question adossé à sa maison est quasi dans le centre ville d’Espelette et ça doit porter un peu au cerveau, tant le village est 100% organisé autour de sa production de piment éponyme.

Alors Vincent a craqué et s’est attaqué à la plante monumentale locale : le Capsicum annum var Gorria, en basque gorria voulant dire rouge. Et comme le gars est d’un sérieux à toutes épreuves, il a d’entrée de jeu privilégié le qualitatif sur le quantitatif. « Je n’ai jamais abandonné l’horticulture et en diversifiant mon modèle économique, je peux jouer à la fois sur la rotation des terres et sur les compléments de revenu. La vente de piment d’Espelette est en augmentation constante. La production se restreint à dix communes classées AOC et AOP et je pourrais facilement augmenter mes rendements, mais je tiens surtout à la qualité. »

Direction trois kilomètres sur la route d’Itxassou et on se retrouve dans la parcelle que s’est offert Vincent, trois hectares où gambadent les chevaux du voisin puisque visiblement une partie est en friche. « Le principe est la rotation des terres, pour que le piment soit bon, il faut que le sol le soit aussi et on sait que la monoculture sur plusieurs années ça ne marche pas. J’alterne donc les fleurs et les légumes avec le piment. Là, comme vous le voyez nous allons commencer à récolter (nous sommes fin août NDLR), à la main, bien entendu. » On note un plant tout flétri qui ne semble pas prêt à fournir le moindre piment.

« C’est un champignon, on ne comprend pas bien, mais ça arrive que l’on perde un plant, comme ça, en 24 heures. On essaye juste alors de l’isoler, mais je ne veux aucun produit phytosanitaire sur mes plantations. » Et l’absence de tout produit étranger, conservateur ou additif, est également de règle jusqu’à la mise en pot après un séchage naturel pendant trois semaines. 10.000 plants, quatre tonnes de piment frais qui vont ainsi être transformées en poudre, le tout avec comme seuls entrants, le soleil et l’eau.

Le piment de Vincent Hurpeau est de fait un peu plus cher que les autres mais son mode de production induit une subtilité de saveurs étonnante qui renvoie bien de ses concurrents à une simple poudre un peu épicée. Et comme Vincent n’est pas à un perfectionnisme près, il va jusqu’au bout : « On s’est donné effectivement un cahier des charges assez sévère et on fait aussi l’étiquetage à la main pour contrôler la qualité du papier et de la colle.»

Ferme Uste Gabea
125, Kaminiko patarra
64250 Espelette
Tel. : 06 81 37 16 76

Un article produit dans le cadre de l’application Adresses Gourmandes.

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