Une affaire gasconne
Par Nathalie Vallez
«  À plat et au frais… » La célèbre phrase de Marie-Josée Seguin résonne encore dans la petite pâtisserie de Captieux qui a fait le succès des fameux puits d’amour. C’est ici, depuis plus de 70 ans, que s’est peu à peu façonnée la légende de cette gourmandise au pouvoir hautement addictif. Cette fameuse pâtisserie, qui tient finalement plus de la polka que du puits d’amour, est constituée d’une coque en pâte à choux fourrée d’une crème chiboust revisitée et aérienne, caramélisée sur le dessus. Depuis 2013, la petite maison familiale landaise a été rachetée par deux entrepreneurs bordelais qui, promis, juré, n’ont rien changé !
Brice Leguillon connaît bien Captieux et ses environs. Pendant des années, il y est venu le week-end chasser, ou retrouver des amis. Le dimanche, un détour par la fameuse pâtisserie, qui vend les puits d’amour, était le passage obligé. Avec le blues du dimanche soir, il songeait immanquablement : « Quel dommage que ça n’existe pas à Bordeaux ». Aussi, a-t-il sauté sur l’occasion lorsqu’il apprend, à noël 2012, que les propriétaires souhaitent vendre. Mais s’embarquer seul dans cette aventure lui semble compliqué. C’est ainsi qu’il rencontre Stéphane Gonzalez, qui va devenir son associé. Les deux trentenaires sont tous deux diplômés d’une école de commerce, s’ennuient dans leur job respectif, et ne connaissent rien à la pâtisserie ! Alors pourquoi eux et pas un de ces fameux pâtissiers qui louchaient sur l’affaire depuis quelque temps ? La réponse tient certainement dans la dimension humaine de cette affaire familiale aux accents gascons. « Nous y sommes allés en toute humilité, justifie Brice, nous ne nous sommes pas garés avec un gros 4X4 devant la boutique, sûrs de notre fait. » Car chez les Seguin, il faut montrer pâte blanche !

Histoire gasconne

Dans la pâtisserie, où vivent la famille Seguin et les employés, Marie-Josée règne en maître derrière son comptoir.

« Il ne fallait surtout pas lui dire que les puits d’amour étaient pour le lendemain, elle vous les retirait instantanément des mains et vous rétorquait qu’elles se dégustent le jour même… sinon rien ! » conte Brice.

Derrière, son frère Jacques, « un excellent pâtissier » concocte ses petites douceurs, baba au rhum, puit d’amour, dont la recette change en fonction du temps. « Ce sont des pâtisseries très fragiles, commente Stéphane, s’il pleut elles ramollissent alors il faut s’adapter ! » L’histoire a commencé en 1940, les parents de Jacques et Marie-Josée, originaires du Médoc, faisaient des saisons à Soulac pour un pâtissier palois expert en puits d’amour. Lorsque ce dernier part à la retraite, sans successeur, il donne ses moules et confie son savoir-faire à Monsieur Seguin qui ouvre en 1944 une pâtisserie à Captieux. Pendant plusieurs décennies, le fameux puits d’amour voit sa notoriété grandir, jusqu’à ce jour de 1981, où le père Seguin annonce à ses enfants à la palombière :

« Demain, on arrête la pâtisserie, si vous voulez la reprendre, vous avez jusqu’à ce soir pour vous décider ! »

Le lendemain, le frère, qui a bien bourlingué, et sa sœur, « une vraie Landaise ! », sont aux commandes et vont perpétuer la tradition familiale.

La transmission d’un savoir-faire

Plus de 30 années ont passé, mais le puit d’amour n’a pas pris une ride et les Bordelais sont nombreux à parcourir une centaine de kilomètres aller-retour pour les déguster. À l’heure de passer la main, les Seguin n’ont certainement pas été insensibles à la volonté de leurs jeunes repreneurs de travailler dans le même esprit qu’eux. « Nous avons toujours été très clairs sur le fait que le siège resterait à Captieux.» Et même si la pâtisserie s’est équipée d’une chaîne du froid plus performante, elle est restée dans son jus.

« Aujourd’hui encore, commente Stéphane, c’est un produit fait à la main de A à Z », privilégiant les filières locales comme le lait de Bazas. On y est allé avec beaucoup d’insouciance, confie Brice, on a du faire nos preuves. Ils nous ont dit : « demain matin à 4h30 » et on a relevé le défi ! »

Ainsi, pendant 2 mois, Jacques va former les jeunes Bordelais. Quand il a considéré qu’ils étaient prêts, les Seguin frère et sœur ont alors donné leur accord pour la vente. Pour autant, Jacques et Marie-Josée ne sont jamais très loin : « si besoin, Jacques passe nous donner un coup de main.» Si un vent de modernité a soufflé sur leur affaire en ouvrant une seconde boutique à Bordeaux, ils ont aussi tout mis en œuvre pour poursuivre ce qu’on leur a transmis, allant jusqu’à baptiser leur établissement « Maison Seguin ». Le succès du puits d’amour s’est fait par bouche à oreille, une philosophie qui correspond bien aux deux gérants. Et même s’ils ont des velléités de développement, tous deux veulent y aller doucement :

« On ne nous a pas transmis une recette, mais un savoir-faire. On veut conserver l’âme de la maison Seguin.»

Un article produit dans le cadre de l’application Adresses Gourmandes

Pour en savoir plus

Puits d’Amour de Captieux

Puits d’Amour de Captieux

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