Voici 7 générations que la famille Carreau s’est implantée au cœur de l’appellation AOC Blaye Côtes de Bordeaux. Ancrés dans ce terroir dominant l’Estuaire de la Gironde, Sébastien et Nicolas Carreau continuent à écrire une histoire marquée par l’exploration, la transmission et l’innovation.
À deux pas de la citadelle de Blaye, le village de Cars (33) est entouré de vignobles. C’est ici que tout a commencé lorsqu’Antoine Carreau achète en 1832 le Château l’Escadre à un Amiral de la flotte napoléonienne. Il était déjà question de voyage, un thème cher à Sébastien…
La stratégie des bodegas
Ses études en viticulture l’entrainent tout d’abord en Espagne, où Sébastien achève sa formation aux côtés du grand œnologue Michel Rolland. Les coteaux du Blayais ne l’attirent pas encore, et Sébastien a envie de voir du pays. Changement de continent avec un départ pour l’Argentine. Là-bas, Sébastien découvre le cépage Malbec et l’univers des bodegas, « des immenses propriétés de 200 ha qui se faisaient connaitre dans les salons professionnels grâce à un vin-phare. Quand je suis rentré à Blaye en 2001, j’ai appliqué cette stratégie commerciale. Au départ, mon père m’a laissé 1 ha pour créer un vin haut de gamme, la cuvée Major. La reconnaissance est arrivée assez vite, ce qui m’a encouragé ensuite à planter 10 ha avec un Malbec qualitatif. »
En 2005, Nicolas, ingénieur agronome, rejoint son cousin Sébastien dans l’exploitation familiale. Ces compétences complémentaires leur donnent des ailes : Nicolas s’occupe de la production, Sébastien gère toute la partie vinification.
« Le fait d’être deux avec des rôles bien répartis nous a procuré plus de latitude pour développer chacun nos marchés à l’international. »
Le monde au départ de Blaye
Nicolas part vendre les vins de la famille en Amérique et Europe du Nord. Sébastien est plus attiré vers l’Asie. Direction Hong-Kong, le Vietnam, Taïwan, le Japon et la Chine, où il crée sur place une société d’import et de distribution.
« Pour nous implanter dans tous ces pays, j’ai participé à de nombreux salons organisés par l’AANA (Agence de l’Alimentation Nouvelle-Aquitaine), ce fut une grande aide », reconnait-il.
Si l’antenne chinoise a fermé depuis, Sébastien est toujours très actif dans cette partie du monde, y compris sur des marchés émergents comme le Cambodge, le Laos ou les Philippines.
L’Hexagone n’est pas oublié pour autant. En 2005, les cousins rachètent une propriété voisine de 27 ha, avec des débouchés solides vers la Normandie. Les vignobles Carreau représentent désormais 8 châteaux, soit 82 ha en AOC Blaye Côtés de Bordeaux.
« Lorsque j’entends que ce terroir produit de bons petits vins, cela me fait bondir, avoue Sébastien. Ce sont des vins magnifiques avec une belle typicité, au sein d’une appellation dynamique où nous avons de réelles capacités d’innovation. »
Respecter et évoluer
En éveil permanent, les deux cousins cherchent le bon équilibre entre la conservation d’un savoir-faire ancestral et les transformations nécessaires. « Nous testons, avec comme partout des tops et des flops. Parmi les innovations qui ont apporté une vraie plus-value aux vins, nous utilisons depuis 5 ans l’air pulsé afin de remplacer les remontages traditionnels, et nous vinifions à basse température, pour une meilleure captation des arômes. »
Mais les principaux changements sont guidés par un engagement écoresponsable. Si les premiers hectares en bio ont été récoltés en 2023 et 2024, avec de futurs déploiements prévus sur d’autres parcelles, l’ensemble du vignoble répond à des certifications environnementales : le label Terra Vitis, le SME (système de management environnemental mis en place par le CIVB) et la norme HVE. N’y a-t-il pas redondance entre ces différents systèmes ? Réponse de Sébastien : « Il y a des recoupements bien sûr, mais chacun nous fait progresser. Je peux témoigner qu’un contrôle Terra Vitis comporte des critères très poussés, dont certains sont aussi exigeants qu’en bio. La certification HVE, par exemple, prend en compte toute la chaîne de production de la vigne au chai, mais également les conditions de travail. Quant au SME, c’est une formation assez longue, mais nous sommes contents de l’avoir suivie car nous avons professionnalisé nos process. »
Habitant au milieu des vignes depuis l’enfance, là où il voyait son grand-père et son père travailler, Sébastien souhaite investir durablement pour le bien des générations futures, mais aussi pour son bien-être personnel, reconnaissant qu’il est le premier amateur de ses vins. Dans le quotidien de ce passionné, aucune place pour la routine : « Viticulteur est un métier très créatif. Élever du raisin en imaginant le vin qu’il pourra donner, habiller une bouteille avec une belle étiquette, rester en veille sur de nouveaux matériels ou technologies, partir à l’autre bout du monde pour présenter nos cuvées et parler de notre activité qui intéresse de nombreuses personnes… l’univers autour du vin est infini, et nous nous posons des questions tous les jours ! »